Thématique
Mes travaux s'inscrivent dans le cadre de la topologie algébrique et de l'algèbre homologique. Je m’intéresse tout particulièrement aux applications de la théorie des opérades et des bigèbres en algèbre, géométrie et topologie. En topologie algébrique la théorie des algèbres sur une opérade offre un cadre qui organise les structures algébriques de modèles pour les espaces, les variétés ou pour l'homologie des groupes et des algèbres.
Ces modèles calculent de nombreux invariants de la topologie algébrique (opérations homologiques primaires, secondaires, produits de Massey), de la topologie géométrique (homologie d’intersection, classes caractéristiques secondaires) et de l’algèbre homologique (Homologie de Hochschild, homologie cyclique et diverses théories homologiques pour les algèbres).
Cinq résultats. Ci-dessous, je décris cinq de mes résultats, le premier porte sur l'homologie des algèbres de matrices, le second sur les opérations cohomologiques supérieures, les deux suivants sur les espaces de lacets libres (espaces fonctionnels de source le cercle), le dernier sur la dualité de Poincaré.
- Homologie des algèbres de matrices : la K-théorie des anneaux offre de nombreux invariants en arithmétique, géométrie algébrique et topologie différentielle. Les groupes de K-théorie d'un anneau sont très difficiles à calculer. Une approximation en est donnée par les théories de K-théories additives comme l'homologie de Hochschild ou l'homologie cyclique. Les théorèmes de Cuvier, Loday, Quillen et Tsygan relient ces théories à l'homologie de Leibniz et de Lie des algèbres de matrices. En collaboration avec Jose-Luis Rodriguez et Jérôme Scherer on prolonge les travaux de Livernet sur la construction "+" des algèbres sur une opérade de Koszul rationnelle en donnant une construction "+" fonctorielle valable sur n'importe quel anneau. Cette construction permet aussi grâce à des techniques propres à l'algèbre homotopique de calculer les groupes de K-théories additives en basse dimension.
- Opérations cohomologiques supérieures : en théorie de l'homotopie des espaces, les opérations cohomologiques jouent un rôle central. Les opérations cohomologiques primaires sont bien connues, elles forment une algèbre : l'algèbre de Steenrod. Ces opérations primaires trouvent de nombreuses applications en topologie algébrique : classes caractéristiques, calculs des groupes d'homotopies stables. Les relations entre puissances de Steenrod créent des opérations secondaires qui elles aussi jouent un rôle central en théorie de l'homotopie : résolution du problème de l'invariant de Hopf de valeur 1, classes caractéristiques exotiques pour la classification des variétés. Avec Muriel Livernet on propose une approche opéradique pour les opérations secondaires, approche explicite qui fournit un cadre algébrique pour l'étude de telles opérations (opérades d'Adem-Cartan).
- Espaces de lacets et homologie géométrique : le calcul de l'homologie des espaces de lacets libres d'une variété a fait l'objet de beaucoup de travaux en homotopie rationnelle et en algèbre homologique. De tels calculs sont motivés par l'étude des géodésiques fermées d'une variété Riemannienne ainsi que par l'homologie de floer du fibré cotangent et de manière plus générale par les théories de champs symplectiques. Le loop produit de Chas-Sullivan offre un enrichissement de l'homologie des espaces de lacets libres. J'ai proposé une construction du loop produit de manière géométrique qui utilise des théories de bordismes et des résultats sur la transversalité en dimension infinie pour les variétés de Hilbert. Cette construction est utile quand on veut étudier la compatibilé de ce produit avec la filtration par l'énergie des espaces de lacets (travaux de Goresky et Hingston) et a été prolongée par Meiert dans le cadre du bordisme des strativariétés.
- Espaces de lacets et théorie de champs : le loop produit de Chas-Sullivan est la partie la plus visible d'une structure algébrique très riche agissant sur l'homologie d'un champ différentiel (cf. Behrend, Ginot, Noohi et Xu). Cette structure est encodée par une théorie de champs topologiques de dimension 2 (action d'espaces de modules de courbes avec bords et points marqués le tout partiellement compactifié). L'existence d'une telle structure sur l'homologie des lacets dans un cadre aussi général est encore conjecturale et a déjà fait l'objet de très nombreux travaux (Chas-Sullivan, Cohen, Costello, Félix-Thomas, Godin, Hopkins-Lurie). En collaboration avec Luc Menichi on construit une telle action pour le classifiant d'un groupe de Lie compact (cas particulier de champ différentiel orienté). Ces travaux s'appuient sur des techniques classiques de la théorie de l'homotopie alliées aux approches récentes (Segal-Tillmann) de la théorie des champs conformes. On pose aussi quelques conjectures liant ces structures à celles découvertes en cohomologie de Hochschild.
- Dualité de Poincaré : à
priori la dualité de Poincaré pour les variétés est un phénomène
de nature purement homologique. Cette dualité est le point de départ de
la classification des variétés en dimension supérieure. Cette
classification se fait grâce à la théorie de la chirurgie de
Browder-Novikov-Sullivan et Wall. Elle repose sur des
techniques de topologie différentielle (classes caractéristiques,
fibrés, transversalité) et de K-théorie (L-théorie des formes
quadratiques). Ranicki a proposé une algébrisation de cette théorie
afin d'étudier de manière plus fine les espaces à dualité de Poincaré
et de donner une théorie plus effective. De son côté Sullivan
parallèlement à Quillen a développé l'homotopie rationnelle afin
d'attaquer l'étude des groupes d'automorphismes des variétés, les
travaux de Sullivan sur l'homotopie rationnelle des espaces ont été
prolongés en caractéristique positive et sur les entiers par Mandell
grâce à la théorie des opérades et à l'algèbre homotopique. Si des
modèles algébriques pour les espaces topologiques sont disponibles, des modèles
algébriques pour les variétés unifiant le point de vue "local" de
Ranicki et celui de Sullivan doivent être développés. Un premier pas
dans cette direction est l'étude de la dualité de Poincaré au niveau
des chaines. Mc-Clure a construit le produit d'intersection (dual de
Poincaré du cup produit) au niveau des chaines d'une variété et a
montré qu'il y avait derrière ce produit une structure algébrique
partielle. J'ai démontré que le produit d'intersection au niveau des
chaines correspondait par une suite de quasi-isomorphismes
multiplicatifs au cup produit des cochaines. Il s'agit d'un relèvement
multiplicatif de la dualité de Poincaré au niveau des chaines. Ce
résultat utilise les techniques classiques de la topologie
différentielle (théorème de Thom sur la transversalité) alliées à
l'algèbre homotopique de la théorie des opérades.
Coauteur(e)s
Hossein Abbaspour
Marc Aubry
Katsuhiko Kuribayashi
Jean-François Le Borgne
Muriel Livernet
Luc Menichi
Jose-Luis Rodriguez
Martin Saralegi
Jérôme Scherer
Jean-Claude Thomas
Daniel Tanré